Recherche, Ethique et MOOC

Le 12/09/2022 0

Dans Actualités de Sylvain Risse

Faire de la recherche est passionnant ! C'est une activité qui me semble aussi nécessaire que salvatrice. J'apprends énormément sur ma pratique, et pour ma pratique, en lisant simplement ce que les générations précédentes ont fait émerger dans le champ de la psychothérapie.

Le principal bénéfice consiste en toutes ces questions qui viennent débusquer les idées reçues. C'est à dire mes automatismes de pensée ou de comportement, mes attentes cachées, qui me pilotent sournoisement dans mes séances. Fréquenter les associations professionnelles m'a aussi éveillé à l'impératif de mener des recherches pour soutenir la crédibilité et la validité des principes et de la posture gestaltiste. 

La défense de notre modèle gestaltiste face aux autres modalités est la motivation la plus invoquée pour justifier de s'engager dans la recherche. Je me sens de plus en plus éloigné de ce seul impératif politique. Et c'est certainement le cas de la plupart de mes collègues puisque, depuis 20 ans, on ne peut pas dire que les vocations ont exposé ! Je me sens l'âme d'un aventurier, ou peut-être plus modestement d'un observateur-enquêteur amateur enthousiaste, toujours émerveillé de voire de nouvelles choses sur le même chemin apparemment si connu. Je ne me reconnais peu dans la peau d'un apôtre, ou d'un avocat. Mais il n'en demeure pas moins que je ne peux pas m'improviser chercheur ! je peux néanmoins tenter de me construire chercheur ! 

 

En tant que praticien, je suis le premier outil de mon travail. Dans cette perspective, la lecture des recherches me permet au moins de me poser des questions. Parfois des questions inquiétantes : est-ce que je sais vraiment ce qu'est le contact ? l'empathie ? le dévoilement ? l'alliance thérapeutique ? comment la théorie et les chercheurs ont abordé ces sujets ? qu'est-ce qu'ils en disent ? c'est sans fin et c'est vraiment utile ! Parfois, je me sens un peu écrasé devant tant de perspectives d'apprentissage, de portes ouvertes vers la nouveauté, et ... de remise en question profondément dérangeantes ...

Depuis plusieurs années, je réfléchis au moyen de me lancer dans un programme de recherche moi-même. 
Et des tas de nouvelles questions me viennent, souvent à partir des simples réalités qui font que je ne fais pas de recherche aujourd'hui. Par exemple :

  • Je ne suis pas universitaire (en psychologie) : quelle place / statut pour le praticien-chercheur ? est-ce que cette notion existe même, ou a existé ? quelle éthique ? quelle épistémologie ?
  • Je ne connais pas le type de recherches que l'on mène en psychothérapie : est-ce que certains peuvent être mené par un praticien dans recourir à un laboratoire, ses équipements et ses financements ? est-ce que le travail théorique est plus important que la recherche elle-même ? est-ce qu'il y a une place pour l'autodidacte que je suis ? 
  • Je vis de ma pratique : est-ce qu'un tel programme est compatible en investissement de temps et d'argent ? est-ce que la recherche aurait un impact positif ou négatif sur les séances que je mènerais avec des clients concernés ? est-ce que j'aurai même assez de clients pour mener une recherche ? 
  • Le métier de thérapeute peut fortement isoler : est-ce qu'un programme de recherche me fait prendre le risque d'accentuer encore plus cette situation ?

J'ai eu la chance de rencontrer des personnes qui s'intéressent depuis plusieurs années à ces sujets, dans les associations professionnelles, en France puis à l'étranger. La commission recherche de la SFG, les conférences de la SPR, puis les groupes de travail à la FF2P et à l'EAGT etc. J'ai au moins gagné du plaisir à participer à ces grandes conférences d'où je ressors stimulé, rassuré sur l'humanité, la modestie et le courage de ces collègues. 

Je me suis donc convaincu que cette année, je m'y mets ! j'ai en tête trois directions : 

  • Contribuer à un programme de recherche collectif que nous souhaitons mettre en place avec les collègues de l'IDeT sur les études de cas conduites dans la durée (Single Cases Time Series, SCTS). Il s'agit de développer l'étude d'un cas clinique sur une séries de séances, et de tester l'évolution de certains symptômes tels que la dépression ou l'anxiété. La conférence de Hambourg (septembre 2022) a renforcé la validité de l'étude des cas cliniques. J'y reviendrai dans un prochain blog.
  • Mener un travail plus personnel, entre réflexion et exercice pratique, sur l'association de questionnaires que les clients remplieraient en parallèle des séances. C'est une pratique qui est revendiquée par plusieurs modalités thérapeutiques, pas uniquement les TCC. Or ce sujet reste un thème épineux dans le champ de la psychologie humaniste, qui refuse tout formatage a priori. Mais cette simple question épistémologique est déjà fantastique à aborder !
  • Concevoir une formation de premier niveau pour praticien non chercheur, afin de construire de meilleures représentations de la recherche, et peut-être contribuer à lancer des vocations ! 

Je dis souvent que je ne crée des stages ou des formations que sur des sujets que je ne maîtrise pas. Je ne dis pas cela pour faire rire ou attirer l'attention sur moi. Je crois profondément à le force motrice, tractrice, de l'excitation à m'engager avec d'autres ignorants dans la découverte, dans la participation active. Je me suis moi-même attelé à la tâche de la formation. Il s'agit surtout d'auto-formation pour le moment. 
En ce moment, je suis des formations en ligne sur l'éthique de la recherche, sur l'épistémologie des sciences humaines, et sur les courants de pensée en recherche en psychothérapie. Je mange du MOOC chaque jour !

 Je recommande d'ailleurs deux plates-formes : 

Fun Mook : FUN pour France Université Numérique. C'est la plate-forme de formations en lignes des universités de France (et d'autres universités francophones) et des centres de recherche. J'y suis le module certifiant concernant l'Intégrité Scientique, désormais obligatoire pour (au moins) tous les doctorants. Université de Bordeaux. gratuit. Et j'en suis un autre sur l'éthique de la Recherche (à ne pas confondre avec l'éthique dans la recherche, plus proche de la déontologie, et du MOOK précédent).

FormationPSY : cette plate-forme propose des formations payantes (entre 50€ et 90€ selon les modules). Essentiellement des vidéos, avec des quizz. La durée d'un programme (plusieurs vidéos) se trouve entre 2h00 et 4h00. Plusieurs formations proposées aussi par Boris Cyrulnik, pour les amateurs. J'y ai suivi un module sur la Méthodologie et l'épistémologie (université de Mons), et j'en ai deux autres de prévu bientôt, plus techniques (Empathie, et Crises d'angoisse). 

 

les autres paltes-formes de MOOCs que je fréquente aussi :

OpenClassrooms : pour les formations au développement informatique (Python) et autre trucs de Geeks. Pour faire jeune et me désespérer de n'avoir que 24 heures dans une journée.

les formations du réseau des bibliothèques de Paris : un réservoir incroyable ! Je veux partager ici mon émerveillement et ma reconnaissance à ce service public magnifique que constitue ce réseau de bibliothèques. Avec un service internet encore mieux organisé, ce serait un outil de valeur démocratique considérable (protection, émancipation et développement du citoyen, et gratuit!).

 

D'autres plates-formes, en anglais ou espagnol

edx.org  en anglais
Coursera  en anglais, universités américaines
FutureLearn  en anglais, universités britanniques
MiriadaX   en espagnol

 

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